Au-delà de ce grand remplacement qui est un mythe illusoire, un autre sujet plus réel est celui d’un immense changement dans les
équilibres internationaux.
Au temps de la guerre froide (1947-1989), le monde était divisé en deux blocs principaux : le bloc capitaliste avec l’Amérique du
Nord, l’Europe de l’Ouest, le Japon, l’Australie et quelques autres pays, et le bloc communiste représenté par l‘Union soviétique,
ses pays satellites d’Europe de l’Est, la Chine maoïste, Cuba, le Viet Nam, la Corée du Nord.
Il y avait également les pays dits non alignés comme l’Inde ou la Yougoslavie, pays se tenant à distance de l’influence des deux
grands, États-Unis et URSS.
Cette configuration a complètement déplacé son centre de gravité depuis l’éclatement de l’Union soviétique et l’émancipation
des pays du bloc de l’Est européen entre 1989 et 1991. Les alliances se sont déplacées. La plupart des pays de l’Europe de
l’Est ont intégré l’Union européenne. L’Union soviétique éclatée s’est divisée en quinze républiques, la plupart restées proche du
Kremlin ; les républiques baltes ont rejoint l’Europe et l’OTAN en 2004 ; l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie regardent vers
l’Europe, et c’est la raison de l’invasion de l’Ukraine par Poutine qui ne supporte pas un éveil démocratique dans une ancienne
république soviétique.
Ainsi les alliances bougent et sont sources de conflits.
La nouvelle configuration du monde peut être résumée ainsi : deux blocs subsistent, l’un autour des États-Unis à l’Ouest, mais
à l’Est c’est la puissance chinoise qui est devenue dominante, alliée de la Russie, mais qui l’a supplantée. La différence avec
le passé, c’est que les anciennes puissances dites communistes n’ont plus rien de communiste, même s’il y a encore en Chine
des consortiums industriels gérés par l’état. On est alors dans un capitalisme d’état, étant entendu que parmi le critères de
ce système, il y a les notions d’économie de marché, de concurrence, de compétition, ce qui est bien la logique d’une Chine qui
a étendu ses marchés partout dans le monde. Quant à la Russie d’aujourd’hui, c’est le règne de la corruption de type mafieux
avec un oligarque désigné pour chaque grand consortium industriel, agro-alimentaire ou fournisseur d’énergie. Cet oligarque
est par définition l’obligé de Poutine, et peut à tout moment se retrouver emprisonné, empoisonné ou défenestré. Il y a là des
fortunes, évidemment, mais qui, dans la tête du dictateur, en dernier ressort, lui appartiennent.
Cela étant posé, ce sont les zones d’influences qui ont beaucoup varié par rapport à l’ancienne configuration de l’époque
de la guerre froide. Avant, on parlait de l’opposition Est-Ouest, on parle aujourd’hui du grand Sud global qui se retrouve sous
l’influence de la Russie et de la Chine voire de l’Inde. La Russie s’occupe des affaires militaires intervenant dans plusieurs pays
d’Afrique. Quant à la Chine elle continue d’étendre et de faire progresser son commerce déjà existant avec le monde entier, ce
qu’elle nomme les nouvelles routes de la soie. On peut dire que ce grand Sud global comprend une bonne partie
de l’Afrique, de l’Amérique du Sud et de l’Asie du sud-est. Le principe de cette nouvelle domination, c’est que l’idée de
démocratie n’est plus la bienvenue, à l’image de la Chine et de la Russie qui jouent de leur influence sur toutes ces grandes régions
du monde. Pour ces deux puissances dirigées par des autocrates, les oppositions politiques sont totalement bâillonnées faisant
l’objet de persécutions, et il n’est plus question de brandir n’importe quelle valeur dite humaniste ou universelle qui rappellerait
l’Occident. Non, cela n’a plus droit de cité ; il ne reste que l’autorité, la guerre présente ou à venir, et le rapport de force avec les
pays démocratiques. Quant aux opposants russes ou chinois, où qu’ils s’exilent dans le monde, ils sont recherchés, pourchassés et
souvent retrouvés pour un funeste destin.
La donne est donc complètement différente de celle du passé. En d’autres temps il s’agissait d’une idéologie contre une autre,
l’une déclarant pouvoir apporter l’égalité et le bonheur des peuples par une économie étatique administrée, l’autre laissant
faire le libéralisme de la loi du marché qui se régule lui-même avec dans les années 80 l’apogée d’un système dit ultra-libéral
initié par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Aujourd’hui, ce n’est plus l’idéologie communiste contre celle du
capitalisme, la réalité est plus basique et brutale : il s’agit de la dictature contre la démocratie. Certes en posant le mot «dictature
», nous n’oublierons pas que l’Union soviétique et la Chine étaient aussi des dictatures. Mais celles d’aujourd’hui sont fondées
sur des pouvoirs absolus à l’ancienne, dont la seule idéologie est la volonté de puissance.
C’est Xi Jinping pour la Chine, qui outre la persécution de Ouigours, des Tibétains et des nouveaux colonisés de Hong Kong,
menace d’annexer l’île de Taïwan. C’est Wladimir Poutine devenu le despote tout puissant qui a bâillonné tous ses détracteurs et
médias d’opposition, qui envoie à la guerre tous ses jeunes et moins jeunes, plus ses prisonniers de droit commun ou criminels,
avec un faible espoir de retour. On peut aussi évoquer le président indien qui prône l’intégrisme indouiste, dont le but est de
persécuter les musulmans et également les intouchables.
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